Le texte
Mt 5, 13 - 16
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel devient fade (1), par quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau. On la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes. Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
(1) J’ai lu que normalement le sel ne s’affadit pas sauf celui qui est tiré de la Mer Morte....
L’homélie.
A qui Jésus dit-il qu’ils sont sel de la terre, lumière du monde ? A celles et ceux à qui il est en train de parler et à qui il vient de confier sa joie de voir heureux des êtres humains. Ce sont les femmes et les hommes qui ont la bonne idée d’appeler au secours quand ils souffrent et celles et ceux qui leur viennent en aide. Dans les deux cas, des personnes se sont trouvées heureuses pour s’être mises en relation, pour s’être rencontrées, s’être entraidées. A ce moment, et quelle que soit leur origine, religieuse ou philosophique, ces personnes ont permis au Royaume de Dieu de se manifester quelque peu. En d’autres mots, ils ont créé un lieu où Dieu est chez lui. Ce que Jésus appelle précisément le Royaume de Dieu ou des cieux.
Ne lisons pas trop vite. Jésus ne dit pas à ces personnes : vous devez être sel ! Vous devez être lumière ! Comme dans un sermon moralisateur. Il dit : « Vous êtes ! ». Vous êtes lumière, vous êtes sel, et cela parce que celles et ceux à qui il s’est adressé dans les béatitudes recherchent la relation, la rencontre. Et si Jésus leur dit « vous », il ne s’agit pas d’un « vous majestatif », mais d’un « vous communautaire ». Pour Jésus, c’est surtout ensemble, en communauté (chrétienne) (1) que l’on peut vraiment être sel de la terre, lumière pour le monde. Les initiatives personnelles sont appréciables, bien sûr. Mais, selon Jésus, quand elles se font ensemble, la fécondité est plus grande, le Royaume apparaît davantage.
Ces comparaisons du « sel de la terre » et de « la lumière du monde », Jésus les a vraiment bien choisies. Jadis en effet, il était impossible de se passer de ces deux réalités. Elles étaient indispensables à la vie. D’autant que ni l’une ni l’autre ne servait pour elles-mêmes. Le sel servait ainsi, et aujourd’hui encore, à donner du goût aux aliments. Avant les frigos, il servait encore à conserver les aliments (2). Quant à la lumière, elle nous donne toujours de nous voir, d’entrer en relation, de nous rencontrer, de profiter du paysage qui nous entoure. Cela revient à dire qu’une communauté (chrétienne), si elle sert évidemment à ses membres, est un bénéfice pour les autres, pour l’humanité. Inversement, si le chrétien et encore davantage sa communauté ne se remarquent même plus, ils s’affadissent, ils sont devenus inutiles !
Ce n’est pas tout. Si la communauté (chrétienne) éclaire la vie ou donne du goût à l’existence des autres, ce sera surtout par ses actes, par ses œuvres, par son rayonnement (3). D’ailleurs la suite de ce long discours (les chapitres 5, 6 et 7 de Matthieu) donne de nombreux exemples d’actions dans les multiples domaines de la vie. J’en cite quelques-uns : la réconciliation (4), le respect de la vie des autres et de leur vie sexuelle (5), l’usage de l’argent (6), le respect des engagements (7), l’authenticité de la prière, du jeûne et du partage (8), le non jugement d’autrui (9). Si elles ne mettent pas en pratique ces œuvres qui contribuent à la vie du monde, les communautés (chrétiennes), nous dit Jésus, ne servent à rien ! Jésus donne priorité absolue aux actes, à la mise en pratique (10) ! La parole peut venir, mais après les actes !
Relevons encore la note universaliste de ces propos de Jésus : c’est aux êtres humains, au monde, que la communauté (chrétienne) est utile.
(1) Je pensais écrire chaque fois communauté « chrétienne ». Mais je suis de plus en plus convaincu de la fécondité de toute vraie communauté comme telle. D’où la mise entre parenthèses de « chrétienne ». Pour vivre en communauté (chrétienne) il y a des exigences. En son chapitre 18, Matthieu donne six conseils pour être une vraie communauté (chrétienne)
(2) Le sel servait encore à d’autres choses. Comme à frictionner les nouveau-nés (j’ignore pourquoi), comme à partager entre rois, en signe d’alliance. Comme aussi à payer les soldats romains... D’où le mot « sal aire » ...
(4) 5, 21 - 26 ;
(5) 6, 24 ;
(6) 5, 33 – 37 ;
(7) 6, 1-18 ;
(8) 7, 1 – 5 ;
(9) 5, 38 – 42. Tout cela en Matthieu.
(10) 7, 21 - 23 et la conclusion du discours 7, 24 et 26.