Evangile du Jeudi Saint - Jean 13, 1-15

L’homélie

 Nous savons combien Jésus était en opposition avec l’autorité religieuse de son temps. Cette opposition se basait sur l'essentiel : la manière de parler de Dieu et le statut donné à la Loi et au Temple. Alors que cette autorité  parlait d’un Dieu sévère et intransigeant et qu’elle donnait une valeur absolue à la Loi et au Temple, Jésus, lui, parlait d'un Dieu Père, tout proche de ses enfants, capable de tout pardonner. Et s’il donnait une importance réelle à la Loi et au Temple, il mettait au-dessus la seule image de Dieu que nous ayons sur terre, l’être humain, surtout quand il est malmené, méprisé, rejeté.

Quand une autorité religieuse présente Dieu comme un maître intransigeant, elle se fait intransigeante elle-même. Surtout vis-à-vis du peuple, ce peuple qu’elle écrasait de lois impossibles à observer et par leur quantité et par leur minutie. En présentant Dieu comme notre Père à tous et en relativisant la Loi et le Temple, Jésus aide le peuple à vivre libre et heureux mais, inéluctablement, il est amené à combattre cette autorité religieuse. Combat combien inégal. Pour le mener à bien, Jésus s'était choisi des partenaires, les disciples et plus particulièrement les Douze. C'est avec ceux-ci qu’il avait décidé de monter à Jérusalem, au centre sacré de sa religion, pour y célébrer la Pâque. Ce qui le conduisait à directement affronter l’autorité. Il risquait gros et il le savait.  

Il était en effet de plus en plus conscient que l’autorité n’hésiterait pas à aller jusqu’à l’éliminer. Dès lors, pour que se continue son combat contre la présentation d’un Dieu oppresseur, terrorisant le peuple, il lui fallait des successeurs. Et c’est au cours du dernier repas avec ses disciples, le repas pascal, qu'il leur propose de s'engager dans sa lutte. Ainsi quand Jésus leur dit "faites ceci en mémoire de moi", il ne pense pas d’abord  aux gestes de rompre le pain mais surtout à ce qu'en mémoire de lui, ils reprennent son engagement au nom du Père miséricordieux en faveur des pauvres, des pécheurs, des rejetés ! Quoiqu’il en coûte.

Jésus se retrouve donc avec ses disciples pour célébrer la grande fête de la Pâque juive. Comme tous les chefs de famille juifs, il prie pour rendre grâce à Dieu, rompt le pain et le partage. De même, comme tous les chefs de famille juifs, Jésus prend une coupe, prie à nouveau pour rendre grâce à Dieu et offre à chacun d'y boire. Mais il va donner un sens nouveau à ces gestes. Pour bien comprendre, il faut transposer les paroles de Jésus dans notre langue. Ainsi quand il dit : "Ceci est mon corps", nous dirions aujourd’hui : « Ceci c'est moi, avec le combat que j’ai mené. Ce pain que je brise c'est moi dont, à cause de ce combat, la vie va être brisée. »  En disant ensuite : « Prenez et mangez », il donne l’occasion aux disciples, donc à nous aussi, de, par un geste simple, nous associer étroitement à sa personne et à ses engagements.

Et quand il dit: « Ceci est mon sang », nous dirions aujourd’hui : « ceci c'est moi dont le sang va couler ».  Et s'il offre à ses disciples, et donc à nous, de « boire à la même coupe » c'est à nouveau pour nous inviter à nous unir intimement à lui, et à prendre les mêmes engagements. Ainsi, quand, tout à l'heure, nous mangerons ce pain et nous boirons à cette coupe, ayons conscience que nous nous engageons une fois encore à vivre comme Jésus, à, malgré les obstacles,  nous mettre comme lui au service des derniers de toute société et Eglise.