Le texte          Mc 1, 14 – 20              (Les expressions et mots en italique sont plus près de l’original que dans le missel)

Or, après que Jean eut été livré ⁽¹⁾, Jésus partit pour la Galilée ⁽²⁾ proclamer l’Evangile ⁽³⁾ de Dieu. Il disait : « Le moment décisif ⁽⁴⁾ est accompli. Le règne de Dieu ⁽⁵⁾ est tout proche. Convertissez-vous  ⁽⁶⁾ et croyez à l’évangile. »

Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : « Venez à ma suite ⁽⁷⁾. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Aussitôt ⁽⁸⁾, laissant leurs filets, ils le suivirent ⁽⁷⁾.

Jésus s’avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets. Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses salariés, ils partirent à sa suite.

⁽¹⁾ Livré, la voix passive évoque aussi une action divine. Marc s’en expliquera en 6, 17.

⁽²⁾ Jésus, après son baptême,  aurait alors séjourné un moment au désert. A l’arrestation de Jean, il retourne chez lui, en Galilée. Marc revient 9  fois sur « Galilée, le pays de la Bonne Nouvelle », tandis que, pour lui, Jérusalem et la Judée sont sous la coupe des autorités juives...

⁽³⁾ Ev-angile ou eu-angile vient du grec et, on le sait, signifie  bonne ou joyeuse nouvelle.

⁽⁴⁾ Le moment décisif, en grec « kaïros » suggère  le moment favorable, privilégié, voulu par Dieu.

⁽⁵⁾ C’est justement en quoi consiste la bonne nouvelle : le Règne de Dieu s’est fait proche et cela non parce que l’humanité l’aurait mérité mais par pure bonté divine, puisque c’est Dieu qui en est totalement à l’initiative.

⁽⁶⁾ « Convertissez-vous » non dans le sens de changer de conduite mais de « changer de mentalité ». En grec : méta-noïa. En d’autres mots, cessez de croire que c’est en changeant de conduite que vous vous rapprocherez de Dieu, puisque c’est lui qui décide de venir à vous... Se convertir ce sera donc accepter de croire à cette bonne nouvelle, accepter non plus de « faire » mais de « croire » que l’être humain est appelé à « recevoir »..

⁽⁷⁾ C’est-à-dire : « Devenez mes disciples ». Devenir disciple de quelqu’un qu’on ne connaît pas ou à peine est quand même étrange.... Comme un coup de foudre ! Marc ne pense pas au cheminement psychologique.  

⁽⁸⁾ Cet adverbe « aussitôt » revient constamment dans l’évangile de Marc.

L’homélie

Le livre de Jonas (1ère lecture), qui n’est pas un livre d’histoire mais un conte, a comme thème merveilleux  le pardon de Dieu. A condition de se convertir, de changer de conduite. Le message de l’évangile est encore bien plus merveilleux. Écoutons Jésus en proclamer la bonne nouvelle : « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu s'est approché ». Oui, Dieu a pris l’initiative de se faire proche, le prochain, de tout être humain. Sans conditions, sans exceptions !  Jésus ne dit donc pas que Dieu ne se fait proche que des meilleurs, ou de ceux qui se repentent, ni de ceux qui sont pieux. Dans le conte de Jonas, il y avait une condition. Avec Jésus il n'y en a plus.

Pour mieux comprendre la portée du message de Jésus, il est essentiel de se rappeler que pour la religion juive d’alors quelqu’un de malade, lépreux, handicapé, ruiné, ne pouvait être que « puni de Dieu », « impur » et donc pécheur. Or de qui Jésus se fait-il surtout proche, au nom de Dieu ? Justement d’innombrables  malades, lépreux, infirmes, prostituées, adultères, assassins, escrocs, ou soi-disant possédés, ou encore païens, Romains, Samaritains, toutes et tous « impurs ». Une évidence : à personne, absolument personne Jésus n’a jamais dit : Je ne peux rien pour toi. Tu as tellement péché. Tu es si loin de Dieu. Mais si tu te repens, alors je pourrais revoir mon attitude. Jamais il n’a dit cela !

Bien au contraire ! Jésus a sans cesse pris l’initiative de se faire proche de quiconque et d’annoncer par son attitude et par ses paroles que Dieu est proche, prochain de tout être humain. Avec souvent, pour conclure la rencontre, des paroles comme : « C’est ta foi qui t’a sauvé ou guéri ! Va ! »  Sous-entendu : maintenant que tu crois que tu es aimé de Dieu et que son amour  est plus fort que ta faute, ose prendre ta vie en main. Et quand tout semble perdu, comme avec l'assassin crucifié à côté de lui, il y a encore cette parole : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Royaume. »

Pourtant des attitudes bloquent Jésus, l’empêchent d’agir. Ainsi l’hypocrisie, le refus de s’avouer pécheur, le mépris envers les « pécheurs », les « petits ». Jésus pardonne aux personnes qui lui font mal à lui mais ne pardonne pas d’emblée aux personnes qui, au nom de Dieu, font mal aux petits, aux "pécheurs". Il les plaint (« Hélas pour vous scribes et pharisiens hypocrites… ») et, pour qu’ils changent, il les place devant leur refus d’entrer dans un monde de grâce. Aussi, dans ce contexte, l’invitation : «Convertissez-vous » est plutôt à comprendre comme une invitation à changer de mentalité que de conduite. Une invitation à cesser de croire que Dieu est un maître sévère.

Enfin Jésus se met à appeler à lui des hommes qui, c’est évident, n’ont aucune qualité exceptionnelle. Des hommes comme vous et moi. Il leur propose de le suivre, de l’accompagner. Plus tard, il comptera sur eux pour l’aider dans sa mission. Il veillera dès lors à les former. Aussi, après la mort de Jésus, ces hommes en concluront qu’ils sont appelés à lui succéder pour diffuser son extraordinaire message. On voit dans l’évangile de Luc que Jésus a aussi appelé des femmes à l’accompagner. Certaines auront un rôle capital.

Son joyeux, son merveilleux message que Dieu est proche de tout être humain, Jésus nous appelle, nous aussi, à en être les témoins. A sa manière c’est-à-dire par la parole, bien sûr, mais surtout par une attitude, en nous faisant, nous aussi, proches, prochains de tout être humain, quel qu’il soit. A sa manière, cela veut dire aussi se faire proche non dans le but d'en faire nécessairement un disciple mais pour s’entraider à vivre plus humainement.