Ascension

Le texte (1)      Mathieu 28, 16 - 20

Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée (2), à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Toute autorité m’a été  donnée au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. 

(1) Cette année, nous lisons habituellement l’évangile de Marc. Et donc  l’autorité de l’Eglise propose de lire en ce jour de l’Ascension Marc 16, 9 – 20. Mais plus aucun exégète ne trouve sérieux de prétendre que ces versets soient de Marc... Car en fait, comme le dernier verset de Marc (16, 8) est vraiment trop triste, une main aussi anonyme que pieuse a inventé, comme il se devait, une fin glorieuse...  C’est pourquoi, j’ai préféré vous proposer aujourd’hui les versets de Matthieu qui traitent de l’Ascension. Qui sont bien de Matthieu...

(2) Galil est un mot hébreu qui signifie la périphérie, ce qui n’est pas au centre (= Jérusalem).

  

L’homélie

Selon Matthieu, Jésus ressuscité invite ses disciples à se rendre en Galilée, c’est-à-dire en sa région d’origine. Région que les Juifs d'alors méprisaient. Non seulement, pour eux c’était loin du « centre » mais y habitaient de nombreux païens, ou non-juifs. « Galilée des païens », disaient les Juifs de Jérusalem ! D’ailleurs, à cette époque,  à l’exception de Jérusalem, il y avait, surtout en Galilée, de nombreux païens (1). S’y ajoutaient les métissages. Selon Matthieu donc, c’est dans cette antichambre du monde païen, qui est sa patrie, que Jésus veut rencontrer ses disciples.

Comment cette rencontre s'est-elle passée ? Ont-ils pu voir Jésus comme nous nous voyons aujourd’hui ? N’ont-ils pas  plutôt pressenti sa présence dans la foi ?  L’auteur nous dit en tout cas que cette apparition de Jésus ne fut pas évidente pour tous puisque, si certains se prosternèrent, d'autres, dit-il, eurent des doutes. Comme Thomas, comme Pierre. Comme aujourd'hui encore bien des chrétiens. Le doute fait partie de la foi.

Les disciples « entendent » alors Jésus leur dire : « Toute autorité m'a été donnée. »  Le grec dit en effet : « toute autorité » et non tout pouvoir. Cette distinction est importante, car autorité et pouvoir ont un sens différent ! Le pouvoir s’impose d’en haut tandis que l’autorité, surtout selon Jésus, est avant tout un « service », un « service pour les autres ».  Le mot « autorité » a en effet la même racine que « augmenter » (2). L’autorité devrait avoir comme objectif de faire grandir, faire grandir la personnalité de chacun.  Quant à la voie passive (toute autorité m’a été donnée), c’est une manière pour les Juifs de dire qu’elle vient de Dieu.

Ensuite Jésus leur dit : « Allez ! » C’est-à-dire : quittez ce pays ! Ne restez pas ici !  Il ajoute : « De toutes les nations, faites des disciples ! » Toutes les nations ! Le sens est clair : partout ! Pour Jésus aucun peuple n’est indigne ! « Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du

 Saint Esprit ! » Baptiser signifie  « plonger dans »,  « immerger ». Jésus invite donc ses disciples à offrir à tout être humain sans exception de se laisser plonger, immerger.  C’est le chemin pour aller vers l'intimité du Père, du Fils, de l'Esprit Saint.  Dans la liberté, bien sûr. 

« Apprenez-leur à garder les commandements » continue Jésus. Les commandements de Moïse guident toute vie sociale. Ils nous viennent de Dieu puisqu’ils nous viennent de la sagesse humaine et sont au cœur de notre cœur. Discrètement, ils inspirent notre conscience. Suivre sa conscience c’est garder les commandements. Pour le chrétien, c’est surtout vivre à la manière de Jésus : se laisser habiter par son Esprit Saint, aimer (3), se mettre au service des autres, surtout les plus petits. Ainsi seulement, chacune, chacun apprendra à mettre à la première place l’autre ou l'Autre, qui est Dieu.  

La vision se termine par une merveilleuse promesse : « Je serai avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »  Ailleurs dans les évangiles, surtout dans le 4e évangile, cette promesse s'exprime par la promesse de l'Esprit Saint. Les chrétiens ne pourront témoigner de Jésus que grâce à son Esprit.  Grâce à son Souffle, les communautés issues de Jésus seront capables de, comme lui, se mettre au service des autres. Au moins de le rechercher.  Ce qui n’a jamais été facile. La Pentecôte sera bientôt là, cette grande fête où nous serons invités à accueillir davantage l’Esprit de Dieu.

(1) Les armées de l’antiquité avaient la coutume, après une victoire, d’offrir les terres conquises aux vétérans de leurs armées et à leurs familles, qui s’y établissaient donc. Ainsi ces terres resteraient soumises à l’occupant. Cela se passe encore aujourd’hui. Ainsi au Tibet où actuellement il y a plus de Chinois que de Tibétains.

(2) En latin, auctoritas est de même racine que augere = augmenter.

(3) Nous connaissons l’énorme insistance de Jésus sur « aimer ». C’est essentiel à ses yeux. Pourtant l’autorité de notre Eglise a organisé la plupart de ses conciles sur la vie de foi... Mais jamais sur la pratique, si peu édifiante pourtant, de l’amour...

 

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