Le texte. Marc 4, 26 – 34 (Les mots en italiques sont plus proches de l’original que la traduction du missel.)
Parlant à la foule en paraboles, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ. Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il soit éveillé, la semence germe et grandit, il ne sait comment. Spontanément, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, il envoie la faucille, car c’est le temps de la moisson. »
Jésus disait encore : « A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde. Quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde (1). Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse tous les légumes. Et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples (2).
(1) En fait, c’est l’orchidée qui a la plus petite des semences cultivées...
(2) Qui sans doute avaient bien besoin de « cours particuliers »...
L’homélie.
La parabole de la graine de moutarde fait écho à une parabole du prophète Ezékiel (1ère lecture) : le jeune rameau deviendra, un jour, un cèdre magnifique. Quand Ezékiel prononce ces paroles, il est déporté à Babylone, à près de mille kilomètres de chez lui. Son peuple a tout perdu : pays, maisons, terres, capitale, armée, roi, prêtres, temple. De plus son peuple semble s’être résigné à ne plus rien espérer, à se laisser mourir. Dieu l'aurait-il oublié ? C’est donc à un peuple désespéré qu’Ezékiel affirme par sa parabole, que rien n'est perdu, car là où la mort règne, Dieu a le pouvoir de créer de la vie. Vie qui sera d'abord fragile comme un jeune rameau, mais celui-ci deviendra un arbre immense où toutes les nations du monde pourront s'abriter, comme des oiseaux dans les branches du cèdre.
Six siècles plus tard, les disciples de Jésus ne sont pas devant une situation aussi catastrophique qu'à Babylone, mais, maintenant qu'ils suivent Jésus depuis plusieurs mois, ils se posent une sérieuse question. Ont-ils raison de lui faire confiance ? En effet, même si tout a bien commencé, à ce moment, sa famille le prend pour un fou et leurs chefs religieux l’accusent d’être possédé. .
Et juste un peu avant, des pharisiens et des partisans d'Hérode avaient projeté de l'assassiner, pour non-respect du sabbat. Bien sûr, des gens le suivent mais ils sont si peu ‘intéressants’ : pêcheurs sans instruction, collecteurs d'impôts, lépreux, femmes isolées, pauvres. Toutes et tous catalogués ‘impurs’. Jésus a-t-il vraiment un avenir ? C'est par rapport à cette situation, que Jésus imagine la parabole, qu’il est seul à raconter, de la semence qui pousse toute seule et celle de la graine de moutarde. Chaque fois, le point départ est insignifiant... Mais Jésus semble tellement convaincu qu’avec Dieu l’impossible devient possible.
Car il est quand même surprenant que Jésus compare un « Royaume » à quelque chose d'aussi dérisoire qu'une semence jetée en terre, qu'une minuscule graine de moutarde ! Mais Jésus a la conviction que cette humble terre contient une force cachée : ‘que l'homme dorme ou soit éveillé, la nuit et le jour, la semence grandit, il ne sait comment’. Car elle est surprenante la distance entre le point de départ, une semence insignifiante, et le point d'arrivée, du blé plein l'épi ou une plante potagère qui dépasse toutes les autres. Surprenante enfin la manière dont tout se passe. Qui a jamais imaginé que la terre soit d’elle-même féconde ?
Par ces deux paraboles, Jésus explique donc à ses disciples ce qui se passe dans la profondeur de la réalité, ce que nul ne peut voir. Oui, le Royaume de Dieu est là et se fait proche (1). Et si l’apparence actuelle du Royaume est nulle, il contient une force prodigieuse, qui pourtant n'impose rien à personne, respecte la liberté humaine, respecte même le refus. Un jour, nul ne sait quand, ce Royaume se manifestera en gloire. Mais on n’y est pas encore...
Aux disciples inquiets des débuts aussi insignifiants, Jésus parle donc d'espérance. Comme jadis Ezékiel à son peuple en exil. Ecrivant cela, je ne peux pas ne pas penser à notre Eglise qui est publiquement en train de se décomposer de l’intérieur. Des prêtres, des évêques, des chefs religieux sont chaque jour accusés, à juste titre, de faits scandaleux... Et qu’a à voir la curie romaine avec les évangiles ? Sans compter qu’elle veut totalement étouffer les voies ouvertes par le Concile Vatican II, il y a tout juste 50 ans. Un seul exemple : là où le Concile prônait la décentralisation du pouvoir romain, la curie, nommée par le pape, s’y accroche bec et ongles. Et tant pis, pour l’Eglise, tant pis pour la vie des communautés chrétiennes !
Pourtant, un jour, la semence semée par Jésus sera gagnante. Sera-ce l’Eglise sous sa forme actuelle ? Nul ne peut le dire mais ce serait étonnant... (1) Marc 1, 15.