26ème dimanche ordinaire

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Le texte          Mc 9, 38 – 48  (Les mots en italique sont plus proches de l’original que les mots du missel)

Jean (1), l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom. Nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous (2) suivent. » Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi. Celui qui n’est pas contre nous est pour nous (3). Et celui qui vous donnera une coupe d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes (4), et qu’on le jette à la mer. Et si ta main t’entraîne au péché, coupe la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne (5), là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne (6). Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne (6), là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas (7).

(1)  Jean réapparaîtra comme ambitieux en Marc 10, 37, quand, avec son frère Jacques, il demandera à Jésus de siéger aux places d’honneur quand Jésus sera dans sa gloire... Pour atténuer la faute de Jean et Jacques, Matthieu remplacera les deux frères par leur mère...

(2) C’est le seul passage en Marc où à la place de dire ‘suivre Jésus’ des disciples parlent de « les » suivre eux ! Ce qui est tout de même culotté !

(3) On pourrait ajouter dans ce  même sens : quelles que soient les convictions !

(4) Donc une très grosse meule !

(5) Géhenne n’est utilisé qu’ici par Marc. Ce mot signifie « Vallée du fils d’Hinnom ». C’est dans cette vallée que les habitants de Jérusalem brûlaient leurs immondices. Aussi est-ce devenu synonyme de « lieu de tourments perpétuels »

(6) A deux reprises, une tradition, fort incertaine, ajoute ensuite : « là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas ».

(7) Remarquons que Jésus donne ces terribles mises en garde non à la foule mais à ses disciples, ceux qui seront plus tard les responsables !

L’homélie

Comme dans les passages qui précèdent, Marc met en avant le fossé qui sépare les attentes de Jésus de celles de ses disciples. Ne propose-t-il pas à quiconque (personne n’est exclu !) veut l’accompagner de renoncer à toute idée de grandeur. Et il dit spécialement à l’intention des Douze et, bien sûr, des responsables d’Eglise qui leur succéderont : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous, le serviteur de tous ».  Mais ils n’y comprennent goutte. Aujourd'hui, Jésus ajoute une précision et une mise en garde.

1/ Pour faire du bien, il n’est pas nécessaire d’être des siens, à condition toutefois de ne pas le rejeter. Les disciples n’ont donc ni monopole ni privilège. Sera même récompensé quiconque (à nouveau personne n’est exclu) fait du bien, ne fût-ce qu’en offrant aux disciples un verre d'eau, c’est-à-dire en les accueillant, et cela parce qu’ils sont du Christ. Et

2/ que les communautés à venir sachent que les dangers viendront surtout de leurs propres membres, y compris des  responsables. Ainsi chaque fois qu’il y aura (et il y en eut !) mépris pour « les petits qui croient en lui ». Ces petits sont des convertis récents dont la foi est encore fragile.

Or, dans chaque institution, il y en a toujours qui font la pluie et le beau temps, grâce à leur fonction, ancienneté, fortune, niveau social. Dans une communauté chrétienne, il y a donc à craindre qu’un jour certains imposent une religion ritualiste, tatillonne avec une vie morale faite d’obligations et d’interdits. C’est si tentant pour un responsable d’Eglise ! Mais une telle religion n’a rien de la joie de la Bonne Nouvelle et est impossible à vivre, surtout pour les « petits ». Non seulement elle décourage mais elle fait oublier l'essentiel qui est d’accueillir joyeusement l'amour gratuit de Dieu et d’y répondre par l'amour, l’entraide, le pardon. Les chrétiens formés pourront se défendre de ces déviations, pas les « petits ».

Ce type de religion et de morale déshumanisantes que Jésus redoutait tant, notre Eglise l’a mis en pratique tout au long de son histoire. Notamment par ses « commandements ». Avec toujours ce triste résultat que beaucoup resteront toute leur vie convaincus d’être en faute et donc loin de Dieu. Ils ne pourront dès lors que se décourager, quitter leur communauté, pire encore, perdre toute confiance en Dieu. Aujourd’hui, beaucoup en font, eux aussi, l’expérience, victimes qu’ils sont des lois édictées par la hiérarchie sur la vie sexuelle ou le remariage après divorce. Combien de chrétiens, dégoûtés, n’ont-ils pas alors quitté l’Eglise !

Pour montrer la gravité de ces déviations, Jésus utilise des images terribles, qui heureusement ne sont que des images. Ainsi, dit-il, mieux vaudrait pour les auteurs de tels scandales qu’on les jette à la mer, attachés à la pesante meule que tournent les ânes. Et si soi-même ou la communauté en arrivent à mal se servir de l’œil, de la main, du pied, ces organes qui  justement mettent en relation, mieux vaudrait exclure ces membres fautifs. Manière très forte de dire que Jésus attend de ses sœurs et frères qu’ils s’efforcent d’entrer dans une vie nouvelle, dans le Royaume de Dieu, en donnant priorité à des relations humanisantes qui rendent la communauté plus accueillante ainsi que chacun de ses membres.

Mais il se fait que la traduction du missel met sur une fausse piste. Elle ne fait penser qu’à l’au-delà. En effet le texte original ne dit pas « entrer dans la vie éternelle » mais « entrer dans LA  VIE », entrer dès ici-bas dans une vie nouvelle, forte, débordante. Cette traduction met de plus sur une fausse piste à propos du Royaume de Dieu. Selon Jésus en effet, si, un jour, ce Royaume sera glorieux, aujourd’hui, il est déjà parmi nous, en nous (*). Discrètement, il se manifeste chaque fois que se passe le contraire de ce que Jésus condamne : l’accueil du petit, l’accueil du pécheur, l’accueil de l’autre, une relation qui fait du bien.

(*) Luc 17, 20 – 21.