26ème dimanche ordinaire

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 Les textes

Livre d’Amos  6, 1a. 4 – 7

Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres. Ils improvisent au son de la harpe, ils inventent, comme David, des instruments de musique. Ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe, mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël. C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés.  Et cette bande de vautrés n’existera plus…

Evangile  Luc 16, 19 - 31.  (Les mots en italique sont plus proches de l’original que ceux du missel.)

Jésus raconte. Il y avait un homme riche qui s’habillait de pourpre et de linge fin et qui chaque jour faisait bombance somptueusement. Un pauvre du nom de Lazare (1), couvert d’ulcères, avait été jeté devant le porche. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche. En plus, des chiens (2) venaient lécher ses ulcères.

Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham (3). Le riche mourut aussi et fut mis eu tombeau. Dans l’Hadès (4), comme il était à la torture, il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare dans son sein. Alors il appela : « Abraham, mon père, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre le supplice dans ces flammes. »

Abraham lui dit : « Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur. Et maintenant il trouve ici la consolation, et toi la torture. De plus, entre vous et nous, il a été disposé un grand abîme pour que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous ne le puissent pas et que, de là non plus, on ne traverse pas  vers nous. »

Le riche dit : « Je te prie alors, père, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères (5). Qu’il les avertisse pour qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture. »  Abraham lui dit : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent. » L’autre reprit : « Non, Abraham, mon père,  mais si quelqu’un vient à eux de chez les morts, ils se convertiront. » Abraham lui dit : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les prophètes, même si quelqu’un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus. »

(1)  Signifie « Dieu sauve ». nom approprié. Le riche n’a pas de nom !

(2) Le chien était méprisé dans l’antiquité. Il en est resté quelque chose chez nous ! Ainsi : fils de chien ou de chienne !

(3) Les anges, le sein d’Abraham suggèrent la proximité de Dieu. 

(4) Dans la mythologie grecque : les Enfers. De là est née cette représentation si humaine de l’au-delà comme un lieu de flammes, en opposition au Paradis, lieu de bonheur, en compensation de la vie menée ici-bas. Mais attention ! Cette réciprocité ne caractérise en rien l’attitude de notre Père du ciel. C’est bien plutôt le pardon. A nouveau, Jésus  se sert des croyances d’alors, sans nécessairement les reprendre à son compte...

(5) Ce si beau sentiment vient juste un peu trop tard...

 

L’homélie

Le prophète Amos n'y va pas par quatre chemins pour fulminer, contre, dit-il textuellement, ces « vautrés » qui s'empiffrent des meilleurs plats, s'enivrent des  meilleurs vins et se moquent du malheur des gens.

Jésus va reprendre en partie ces idées par le biais d’une parabole en deux tableaux.

Le premier tableau évoque ce monde-ci, avec face à face un riche et un miséreux. Ce dernier a un nom : Lazare. Il a été jeté dehors et il est maintenant  couché à même le sol, affamé, malade, couvert de plaies que des chiens lui lèchent. A-t-il une conduite exemplaire ? Jésus ne le dit pas, il dit seulement qu'il est pauvre. Pour Jésus, cela suffit. Tandis qu'à l'intérieur, avec ses vêtements somptueux et ses banquets, il y a un riche. Est-il mauvais ? Jésus ne le dit pas non plus, il dit seulement qu'il est riche.

Appeler cette parabole, comme on le fait si souvent, « la parabole du pauvre et du mauvais riche » est contraire à l'intention de Jésus, même si cela pourrait nous rassurer. Non, Jésus ne dit rien de plus que l’un est riche et l’autre est pauvre ! Que le premier n’attend donc rien de personne tandis que l’autre ne cesse d’attendre un regard, une parole, un geste, un ami...

Le deuxième tableau décrit l'au-delà. Là, la situation est inversée, en tout cas c’est ainsi dans la parabole. Le pauvre y est heureux, car en relation avec Abraham. De son côté, le riche, qui est mort (un point c’est tout) a eu droit, on l'imagine, à de somptueuses funérailles. Maintenant il souffre atrocement. Il est seul ! Il souhaite tant un geste d'Abraham. Mais celui-ci répond qu'un fossé infranchissable sépare désormais les deux mondes. Manière de dire pour Jésus que si, sur terre, il y a déjà un fossé entre riches et pauvres, ce fossé-là, on pouvait le franchir par l’accueil, la rencontre, l’entraide. Tandis qu’une fois morts, nous ne pouvons plus rien les uns pour les autres. 

De plus, continue Jésus, ce n'est pas le miracle de l'apparition d'un mort qui changera la conduite de quiconque sur terre. Car pour guider les êtres humains dans leur vie sociale, les miracles sont nuls. Il y a pour cela la loi et les prophètes. Ou la conscience, ce qui est pareil.

Finalement, que nous dit Jésus dans cette parabole ?  En tout cas de ne pas nous réjouir de ce que les rôles soient maintenant inversés. Il invite plutôt chacune, chacun à reconnaître, comme dimanche dernier, que si l’argent nous sert à vivre, il n’y a pas lieu de le servir, comme un dieu. Car l’argent est mensonge. Il ne tient pas ses promesses. Il ne nous fera pas nager dans le bonheur, comme le prétend la propagande débile du Lotto.

Une fois de plus, Jésus enseigne que ce qui ne déçoit pas ce sont de vraies relations humaines. Là, on peut se parler, s'écouter, partager, notamment avec les pauvres. A condition, bien sûr, de les remarquer ! Et tout autre chose est d’affirmer, comme l’a fait si longtemps l’Eglise, que plus on aura souffert sur terre, même volontairement (!), plus on sera automatiquement heureux au ciel !

Oui, l'argent est un faux dieu, il trompe, il nous fait miser sur le mauvais cheval. Je reviens souvent sur la deuxième partie des béatitudes selon Luc. Ses lamentations y sont claires : « Hélas pour vous les riches ! » Dans le sens : hélas pour vous qui, à cause de vos richesses, qu'elles soient d'argent, d'intelligence, de qualités humaines, de vertus, finissez par croire que pour être heureux vous n'avez besoin de personne. Oui, hélas pour eux car rien n’est pire que de se tromper sur son idéal de vie. Remarquons enfin que cette parabole passe sous silence un point essentiel de l’enseignement de Jésus : le pardon ! Oui, pour Dieu il n’existe plus le célèbre « œil pour œil, dent pour dent » !