31ème dimanche ordinaire

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Le texte.         Luc 19, 1 -10. (En italique les mots plus proches de l’original grec que dans le missel)

Jésus traversait la ville de Jéricho (1). Or il y avait un homme du nom de Zachée (2). Il était chef des collecteurs d’impôts. C’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir Jésus, qui il étai, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore (3) pour voir Jésus qui devait passer  par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi. » Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il a fait halte chez un pécheur. »  Mais, debout, Zachée dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un, je lui rends quatre fois. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

(1)  Ville commerciale (appelée aussi ville aux palmiers) de moyenne importance, d’une altitude négative de 300 m par rapport au niveau de la mer, située à une trentaine de km à l’est de Jérusalem, et à 7 km au Nord de la Mer Morte. Vu sa position géographique, il s’y percevait de fortes taxes…

(2)  Zachée vient d’un mot hébreu signifiant pur ou juste…

(3)  Arbre moyennement élevé dont les branches du dessous sont près du sol. Sycomore vient de sykè, figuier, et moron, mûre. La feuille du figuier sycomore ressemble à celle du mûrier et son fruit à celui du figuier.

L’homélie.

En commentant ce passage, je vais faire ressortir les mots que l'auteur a utilisés, la place qu'il leur donne, leurs répétitions. C'est une manière relativement simple d'entrer dans le sens d'un texte, qu'il soit ou non de la Bible.  Et c'est à la portée de tout le monde. Mais ça ne marche pas toujours... Il importe de s’habituer à lire et relire le texte, le crayon à la main. Ici on remarquera tout de suite que reviennent des mots significatifs comme « voir », « chercher », « vite », « aujourd'hui », « partager », « sauver ».

Jésus traverse la  ville Jéricho. C'est parce qu'il est sans cesse en mouvement que beaucoup ont l'occasion de le rencontrer. Ainsi Zachée, qui est plus qu'un collecteur d'impôts, il en est un chef. Un escroc au carré donc. Mais d'emblée, on comprend que ses richesses ne le satisfont pas. Il « cherche » autre chose. Ici, il cherche à voir Jésus ou plutôt à voir qui est Jésus, dont il a dû entendre parler. Visiblement il en attend beaucoup. Sa course et sa montée (assez ridicule…) dans l’arbre montrent l’intensité de son désir de « voir » Jésus, c’est-à-dire de le connaître en profondeur. C’est au fond ce à quoi Luc invite le lecteur. 

Et voilà que Jésus passe. Il se produit alors une merveille que Zachée ne pouvait même pas imaginer. Il voulait le voir mais c'est Jésus qui lève son regard vers lui. Le cœur de Zachée a dû battre la chamade. D'autant que Jésus ne se contente pas de le regarder, il lui parle ! Il l'appelle même par son nom ! Et maintenant la hâte est du côté de Jésus : « Vite » !  Le mot revient deux fois. Comme le mot « aujourd'hui ». Pour Luc c’est un mot essentiel, qu’il utilise souvent. La dernière fois ce sera dans la parole que Jésus adresse à l'assassin crucifié à ses côtés : « Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Chaque « aujourd'hui » est jour de salut.  D'autant que Jésus ne parle pas de « passer » dans sa maison mais d'y « demeurer ».

On imagine l’immense jubilation de Zachée. Non seulement Jésus ne lui fait aucun reproche sur son lourd passé (ce que Jésus ne fait jamais) mais il s'invite même chez lui. En contraste avec le joie de Zachée, le murmure des gens. On les entend d'ici : comment cet homme, que certains considèrent comme un prophète, peut-il non seulement s’arrêter mais même demeurer, faire halte chez un affreux pécheur ? 

Revenons à Zachée. Au moment où Jésus se prépare à entrer chez lui, montrant bien plus que par des paroles qu’il y apporte la bienveillance de Dieu, notre homme prend la parole.  Il annonce son intention de faire don de la moitié de ses biens aux pauvres. Geste inouï. Qui fait de pareils dons ?  Il était riche, ne l’oublions pas. Ce n'est pas tout. Il ajoute que ceux qu'il a roulés, vu son métier il devait y en avoir beaucoup, il va les rembourser quatre fois. Alors que la justice de l'époque exigeait d’un voleur qu’il rembourse le double de ce qu’il avait volé. 

Enfin le point essentiel. L’Eglise a longtemps enseigné que Zachée se faisait généreux dans le but d'obtenir le pardon de Dieu. Car il a fallu des siècles à l'Église pour croire que l'amour  de Dieu et son pardon sont gratuits. Totalement gratuits. C'est donc l'inverse qui se produit. Si Zachée est tellement généreux c'est parce que, grâce à l'attitude de Jésus, il a compris cette merveilleuse bonne nouvelle que Dieu lui a déjà pardonné. Que tout l'amour de Dieu lui a déjà été donné. Qu'il a donc reçu gratuitement d’être fils d’Abraham. Ce passage évoque trois autres beaux passages de Luc : les marques d’amour de la pécheresse parce qu’elle sait qu’elle a déjà été pardonnée (1), la joie qui caractérisait Dieu dans les paraboles de la brebis perdue, de la pièce perdue, du fils perdu (2), la conversion de l’intendant malhonnête qui désormais n’attend plus rien de l’argent mais attend tout de l’amitié (3).

(1) Luc 7, 48 ;

(2) Luc 15, 7, 10 et 32 ;

(3) 16, 9.