Après quelques dizaines d'années,
j'en suis arrivé à placer ma confiance
en un certain nombre de valeurs.
Enfin, j'essaie d'y croire
et de m'y raccrocher, car je pressens
que le bonheur est de ce côté-là.
Ce qui ajoute à ma conviction
c'est que nous sommes nombreux
à marcher sur cette route peu évidente,
bien que nos racines et nos références
soient parfois bien diverses.
Je crois en premier lieu que
l'être humain existe pour
être heureux et rendre heureux,
pour vivre pleinement et faire vivre.
Tout commence d'ailleurs
par le don merveilleux de la vie,
cette vie que j'ai eu la chance immense
de recevoir toute baignée de tendresse.
Aussi, je crois qu'ici-bas
le premier pas à faire et à refaire
c'est d'ouvrir sa porte, accueillir,
écouter, faire confiance, et continuer
malgré des déceptions lourdes parfois.
Je crois que ce qui importe ensuite
c'est de faire à son tour un pas
vers l'autre, vers les autres, et puis
un deuxième et puis un troisième
et toujours continuer, jusqu'à
se rencontrer et marcher ensemble,
malgré des déceptions lourdes parfois.
Je crois encore à l'humble pardon
qui rend possibles tant d'impossibles,
le pardon qui n'est ni l'oubli
ni la table rase mais le risque insensé
de créer du neuf, de créer de la vie
là où tout semblait mort à jamais.
Je crois très fort en tout ceci :
la paix vaut mieux que la victoire,
la compréhension vaut mieux que la vertu,
être aimé vaut mieux qu'être célèbre,
la vérité sans amour est plus dangereuse
qu'un bateau sans gouvernail, et que
l'échec le plus radical, fût-il la mort,
ne peut jamais enfermer l'avenir.
Je crois aussi que chercher ensemble
à être et à rendre heureux
demande de faire et refaire
des choix souvent bien difficiles.
Car il faudra choisir chaque jour
entre l'utile et le fécond,
entre le méritoire et le gratuit,
entre le passé et l'avenir,
entre le portefeuille et le sentiment,
entre le travail et le coucher de soleil,
entre le bulldozer et la petite source
qui babille au milieu des herbes vertes.
Je suis convaincu que les personnes
qui rendent ce monde plus viable
sont celles et ceux qui luttent ensemble
pour la justice et pour le droit,
pour le respect et pour la dignité
des femmes et des hommes de ce monde,
quelle que soit leur couleur, leur culture,
leur sexe, leur race, leur religion.
Je crois surtout en celles et ceux
qui savent commencer leur combat
par les choses de la vie quotidienne,
sans perdre humour et tendresse
qui, seuls, peuvent donner goût et saveur
à notre vieux monde desséché.
Je crois en la force insoupçonnée
des petits et des pauvres, ces "inutiles"
que nos sociétés ne cessent de marginaliser,
oubliant qu'en agissant de la sorte,
elles se condamnent elles-mêmes.
La force de petits et des pauvres c'est
celle de la graine de moutarde, qui
n'a l'air de rien, mais là vraiment rien,
et qui pourtant, sans écraser personne
devient un jour un bel arbuste de jardin
où les oiseaux du ciel viennent nicher,
bien plus épanouis et frétillants
que dans le plus armé des bétons.
A ce propos, soit dit entre parenthèses,
je crois que les fameuses Béatitudes,
proclamées jadis sur une montagne,
ne sont pas d'abord des précepte moraux
mais bien plutôt la conclusion joyeuse
de ce que Jésus avait observé durant sa jeunesse.
Oui, avait-il remarqué, ils sont heureux,
ils ont vraiment de la chance
les coeurs de pauvre, les sans prétention,
ceux qui sentent combien nous dépendons
les uns des autres,
et ceux qui sèment la paix autour d'eux.
Comme ils sont profondément heureux ceux
qui sont capables de s'émouvoir, jusqu'à
se dessaisir d'eux-mêmes pour les autres.
Tourtes ces valeurs humaines qui
font vivre tant de femmes et d'hommes,
dans la diversité de leurs convictions,
Jésus m'a proposé de les apprécier
et de leur faire confiance, à sa suite.
Jésus. Je crois de toutes mes forces
qu'un jour, il m'a saisi par la main.
Ce jour-là, c'était celui de mon baptême,
il m'a promis de rester avec moi,
sur les routes que je prendrais,
comme le fait un ami discret et fidèle.
Je suis dans la joie en pensant
qu'il s'est engagé de même envers
tant de soeurs et frères en humanité.
Je crois de toutes mes forces qu'il s'est
attaché à moi pour l'unique raison
qu'il trouve du plaisir à m'aimer
comme je suis, avec ce que je suis.
Pour moi, c'est cela la Bonne Nouvelle,
cet évangile si simple à comprendre
qu'un enfant s'y retrouve tout de suite,
malgré les complications détestables
que des gens trop intelligents
ont multiplié au fil des siècles.
Cette Nouvelle c'est que Dieu se plaît
à aimer chacune et chacun pour toujours,
et cela sans conditions ni préalables.
C'est facile à comprendre, tout de même.
Peut-être trop facile.
Aussi, et je voudrais le dire comme ça,
sans faire la leçon à personne,
j'aime partir à la découverte de Jésus
dans l'écoute et l'étude des Écritures,
dans des rencontres avec des amis
de toutes convictions, et des rencontres
trop rares avec les plus déshérités.
Ainsi quand je célébrais la confirmation
d'enfants handicapés, j'en sortais chaque fois
bouleversé, comme si j'avais pressenti
qu'à ces moments-là, Dieu, oui Dieu,
n'était vraiment pas loin.
Je dis encore, comme ça,
sans faire la leçon à personne, que
j'aime partir à la découverte de Jésus
dans la prière avec des amis, ou seul.
Ma prière qui est pourtant faite
d'une montagne de distractions,
que je n'oserais pas décrire d'ailleurs,
mais avec de très exceptionnels moments
d'éblouissement et de joie intense,
de la durée d'un éclair dans le ciel.
Je crois enfin que pour tout cela
qui m'a rendu et me rend heureux,
je dois une reconnaissance sans limite
à mes parents, qui n'ont jamais cessé
de s'aimer entre eux et de nous aimer.
Et je voudrais remercier de tout coeur
mes soeurs et frère et toute ma famille,
y compris sa branche "mécréante", bien sûr,
et remercier mes amis avec qui j'ai grandi
et celles et ceux avec qui j'ai avancé en âge,
mes nombreux compagnons de route
de droite et de gauche, mais
plutôt de gauche, je l'avoue...
Béni sois-tu, toi notre Dieu-Père
pour ta puissance qui est faite de discrétion,
de fragilité et surtout de tendresse.
C'est ce que j'essaie de croire.
Béni sois-tu, notre Dieu-Père, toi
qui es venu jusqu'à moi par de
si nombreuses et de si belles
et de si humaines amitiés.