HOMÉLIE du 16e dimanche 2017 Matthieu 13, 24 - 43
Par cette parabole de l'ivraie, Jésus continue sur la lancée de dimanche passé : tenter d'expliquer aux disciples qui sont découragés de voir le Royaume de Dieu si peu accueilli et connaître tant d’échecs. De faire admettre donc que la puissance de Dieu n’a rien d’une puissance qui écrase mais qu’elle est une puissance d’amour. Et nous le savons : aimer rend faible, même Dieu. Jésus, le semeur envoyé de Dieu, ne peut qu’être faible lui aussi. Mais un Dieu qui n’est pas tout-puissant, est-ce imaginable ? A nouveau, pour se faire comprendre sur la question de Dieu, Jésus utilise le mode de penser qu’est la parabole.
Une parabole, je le rappelle ne donne pas d’explication simple, elle met en recherche. Ici, comme dimanche dernier, en recherche donc sur Dieu. Les deux paraboles ont le même point de départ : Dieu sème à tout vent d'excellentes graines. Mais surgit un nouvel obstacle, l'ivraie, c.-à-d. ces mauvaises herbes qui vont tout gâcher. Elles sont l’œuvre d’un ennemi, dit le maître. La réaction des serviteurs, les disciples, paraît pleine de bon sens : supprimons cette ivraie au plus vite. Tuons le mal à sa racine. La parabole nous dira que ce n’est pas la manière de Dieu.
La parabole suggère d’abord que le mal, ou le péché, est présent non seulement au cœur du monde païen et des nations ennemies mais aussi au cœur du peuple élu, au cœur de notre Eglise et même au cœur de chacun. Et ce mal, le péché, est capable de détruire l'œuvre de Dieu ! Il se fait que, nulle part, Jésus n'explique le pourquoi du mal. Non, il le constate, le combat, s’efforce de le faire reculer. Mais n'est-ce pas ce que veulent faire les serviteurs ?
Oui et non ! Car c'est dans la manière que tout diverge. Et la parabole va suggérer ici la manière de faire de Dieu. Alors que les serviteurs veulent arracher l'ivraie, c’est-à-dire utiliser la violence, et donc tuer, Jésus, au nom de Dieu, choisit un type de combat, le combat non violent. Dans son combat contre le mal en effet, car Jésus combat le mal, Jésus n’utilisera qu’une seule force, la force d’aimer, c’est-à-dire l’unique force de Dieu !
Aussi étrange que cela paraisse, Jésus présente donc un Dieu à l’opposé de celui de Jean Baptiste. Celui-ci annonçait un Dieu terrible qui exterminera les méchants par la hache et le feu tandis que la parabole de l'ivraie présente un Dieu patient, invitant le pécheur à se convertir, s’il le veut bien. Aussi faut-il laisser pousser l'ivraie, même si elle abîmera la récolte. Car en l’arrachant trop tôt, on ne fera que détruire aussi ce qui est bon dans ce monde.
Deux exemples de la manière de Jésus. A son arrestation, il interdit à Pierre de se servir de son épée. Pour lui la violence ne fait que créer une violence nouvelle. De même sa réaction au baiser de Judas. Il combat le mal en mettant Judas devant la gravité de son acte, devant sa conscience : "Judas, c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'Homme". Notre Église a souvent oublié cette patience de Jésus et surtout sa foi dans la capacité de l'être humain de changer. Que de massacres au nom de Jésus ! Et comme nous sommes encore nombreux aujourd’hui à croire en la soi-disant efficacité de la violence !
Résumons l’enseignement de la parabole de l'ivraie. 1/ Dieu ne cesse de semer en ce monde des semences de vie et d’amour. 2/ Dans ce même monde, le Mal est présent dans chaque civilisation, chaque religion y compris la nôtre, en chacun de nous. 3/ Notre Dieu est un Dieu d’amour et donc de patience. Il ne punit pas mais invite chacun à se mettre devant sa conscience, à changer, à se convertir. Et 4/ un jour, nul ne sait ni quand ni comment, le Bien, la Vie, Dieu triomphera.
NB En saint Luc 13, 6 – 9, dans la parabole du figuier stérile, Jésus développe aussi la patience de Dieu. Il ne faut pas couper l’arbre stérile, dit le maître, mais attendre un an. Peut-être donnera-t-il alors du fruit ? Chaque année sera ainsi une année de patience et de grâce de la part de Dieu.